Solaire : enquête anti-dumping de l'UE
Solaire : Bruxelles engage un affrontement commercial d'envergure avec Pékin
La Commission européenne a officialisé hier l'ouverture d'une enquête antidumping contre les fabricants chinois de panneaux solaires. Une offensive inédite dans les relations entres les deux zones, qui pourrait déboucher sur des mesures de rétorsion.
L’UE ouvre une enquête antidumping sur les importations de panneaux solaires en provenance de Chine : La Commission européenne a ouvert, aujourd’hui, une enquête antidumping sur les importations de panneaux solaires et leurs composants essentiels (les piles et wafers solaires) originaires de Chine. EU Pro Sun, une association sectorielle, a fait valoir dans une plainte déposée le 25 juillet 2012 que les panneaux solaires et leurs composants essentiels originaires de Chine entraient sur le marché européen à un prix inférieur à la valeur du marché. Sur le plan de la valeur des importations en cause, il s’agit de la plus importante plainte antidumping que la Commission européenne ait reçue à ce jour: en 2011, la Chine a exporté des panneaux solaires et leurs composants essentiels d'une valeur de 21 milliards d'euros vers l'UE. L’enquête durera 15 mois, la Commission ayant la possibilité, d'après le règlement antidumping, d’instituer des droits antidumping provisoires après neuf mois, s'il y a suffisamment d'éléments de preuve montrant du dumping.
Sur quelle base la Commission européenne ouvre-t-elle cette enquête?
La Commission est légalement tenue d’ouvrir une enquête antidumping si elle est saisie d’une plainte valable d’une industrie de l'Union qui fournit des éléments de preuve montrant que les producteurs-exportateurs d’un ou de plusieurs pays se livrent à des pratiques de dumping sur un produit particulier qu’ils introduisent dans l’UE et causent de ce fait un préjudice important à l’industrie de l'Union. Une telle plainte antidumping a été déposée le 25 juillet par EU Pro Sun, une association ad hoc représentant plus de 20 entreprises européennes produisant des panneaux solaires et leurs composants essentiels. Leur production collective représente plus de 25 % de la production dans l’Union et les producteurs s’opposant à la plainte ne représentent pas, dans l’Union, une part de production supérieure à celle des sociétés soutenant la plainte. Ce sont là deux obligations légales prévues par le règlement antidumping de l’UE pour qu’une investigation soit initiée.
Le plaignant a apporté suffisamment d’éléments montrant 1) que les prix feraient l’objet, sur le marché de l’UE, d’un dumping de la part des producteurs-exportateurs; 2) que l’industrie de l’Union subirait un préjudice et 3) qu’il existerait un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Par conséquent, la Commission a constaté qu’il existait des éléments de preuve suffisants à première vue pour justifier l’ouverture d’une enquête.
Quel est le produit soumis à enquête?
Le produit soumis à enquête consiste en des panneaux solaires et leurs composants essentiels, c’est-à-dire les piles et wafers solaires. Afin de produire un panneau solaire, des wafers solaires sont transformés en cellules, lesquelles sont ensuite assemblées en modules, c’est-à-dire en panneaux. Certains producteurs ont une production intégrée qui couvre les trois segments, tandis que d’autres ne produisent que des wafers, des cellules et/ou des modules.
Et ensuite?
La Commission enverra des questionnaires à différentes parties intéressées (par exemple des producteurs-exportateurs, producteurs de l’Union, importateurs et associations) pour leur demander des informations relatives, entre autres, à l’exportation, la production, la vente et l’importation de panneaux solaires et de leurs composants essentiels. Une fois que les parties intéressées auront répondu aux questionnaires, les données seront vérifiées par la Commission qui, souvent, se rend sur place pour vérifier les données des sociétés.
Sur la base des informations recueillies, la Commission établira s’il y a eu dumping et si le préjudice prétendument subi a été causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. Il s’agira également d’analyser d’autres facteurs éventuellement susceptibles d’avoir contribué au préjudice subi.
Ensuite, neuf mois après l’ouverture de l’enquête (en l’occurrence, en juin 2013), la Commission publiera ses conclusions provisoires. Trois scénarios sont possibles: a) instituer des droits antidumping provisoires (normalement pour une période de six mois), b) poursuivre l’enquête sans instituer de droits provisoires ou c) clôturer l’enquête. Tout au long de l'investigation, toutes les parties intéressées ont le droit de présenter des observations à la Commission et de participer à des auditions pour faire entendre leur point de vue et leurs arguments. La Commission tient compte des observations reçues et les examine pendant le reste de l’enquête. Avant de décider de l’institution de mesures d'antidumping, l’Union européenne, seul membre de l’OMC à systématiquement le faire, va appliquer ce que l’on appelle le «critère de l’intérêt de l’Union». La Commission examinera de près si le coût d’une éventuelle institution de mesures pour l’économie de l’Union serait globalement supérieur au bénéfice tiré de ces mesures par les plaignants. Sur cette base, la Commission peut proposer au Conseil a) de mettre un terme à la procédure sans institution de mesures ou b) d’instituer des mesures d'antidumping définitifs pour une durée de cinq ans. Le Conseil est légalement tenu de prendre une décision sur l’institution d’éventuelles mesures définitives dans les quinze mois suivant l’ouverture de l’enquête, soit, en l’espèce, avant le 5 décembre 2013. Les conclusions définitives seront publiées au Journal officiel de l’Union européenne.
La procédure normale est de laisser l’enquête aboutir. Cela dit, il existe des dispositions juridiques permettant aux parties de proposer des solutions une fois que la Commission a présenté ses premières conclusions. Le plaignant a également la possibilité de retirer sa plainte à n’importe quel stade de la procédure. Dans ce cas, la Commission peut décider de clore l’enquête.
Dans quelles circonstances des mesures antidumping peuvent-elles être instituées?
L’enquête doit démontrer de manière concluante que:
les producteurs-exportateurs se livrent à des pratiques de dumping dans le(s) pays concerné(s);
l’industrie de l’Union concernée a subi un préjudice important;
il existe un lien de causalité entre le dumping et le préjudice constaté;
l’institution de mesures n’est pas contraire à l’intérêt de l’Union.
Relations commerciales
La Chine est le premier producteur mondial de panneaux solaires. Environ 65 % de tous les panneaux solaires sont fabriqués en Chine. L’UE est le principal marché d’exportation de la Chine, représentant environ 80 % de toutes les ventes à l’exportation chinoises.
Informations complémentaires
Sur l’ouverture de l’enquête (publication au journal officiel de l'Union Européenne)
Sur les procédures antidumping
Les étapes d'une procédure d’enquête antidumping
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/12/647&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
Plus d'un an d'enquête : Avec cette procédure, le groupement EU ProSun a pour objectif que l'UE prenne des mesures de rétorsion douanières, sur le modèle des Etats-Unis qui ont instauré en mai de fortes taxes sur les importations de produits solaires chinois. "L'enquête prendra 15 mois au total, même s'il est possible d'imposer des mécanismes de défense commerciale en neuf mois, si les preuves sont suffisantes", a précisé la Commission dans son communiqué. Une décision sera donc prise au plus tard le 5 décembre 2013. Bruxelles va désormais faire parvenir un questionnaire aux parties concernées (fabricants chinois, fabricants européens et associations du secteur) pour faire un état des lieux et constater d'éventuelles mesures de dumping. Si ses soupçons sont fondés, la Commission peut imposer des mesures restrictives pour une durée de cinq ans aux fabricants chinois, mais elle doit d'abord s'assurer que celles-ci ne vont pas être trop coûteuses pour l'Union européenne. D'après un classement établi par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), sept des dix principaux fabricants mondiaux de modules photovoltaïques sont chinois. L'Allemagne, pionnière de l'industrie photovoltaïque, est la plus affectée et ses producteurs déposent le bilan les uns après les autres, jusqu'au fleuron du secteur Q-Cells.
Assemblage de panneaux photovoltaïques dans une usine de Suntech Power, à Wuxi, en Chine. Le pays exporte chaque année pour plus de 20 milliards d'euros d'équipements solaires vers le Vieux Continent. - Qilai Shen/Bloomberg
Même pas peur ! Malgré les menaces de rétorsion de Pékin et les dissensions au sein même du camp européen, Bruxelles s'est résolu hier à passer à l'offensive contre les fabricants chinois de panneaux solaires. Une enquête antidumping a été ouverte par la Commission européenne. Elle représente « la plus importante menée à ce jour », selon un fonctionnaire européen. Les montants en jeu sont importants : la Chine exporte chaque année vers l'Europe pour environ 21 milliards d'euros de panneaux solaires et de composants. Surtout l'Europe ne s'attaque pas à des fabricants chinois de vélos ou de tubes en acier comme par le passé. « Il s'agit d'une attaque directe contre un des fleurons technologiques identifiés par Pékin pour internationaliser son industrie », relevait il y a quelques semaines un diplomate.
Mesures protectrices
La Commission européenne se donne désormais quinze mois pour mener son enquête, sachant qu'elle pourra sous neuf mois imposer des sanctions provisoires et relever ses tarifs douaniers. Les Etats-Unis ont déjà agi de la sorte, avec des taxes douanières relevées jusqu'à 250 % dans certains cas. Mais, pour cela, l'enquête devra démontrer que les entreprises chinoises ont bien bénéficié de mesures protectrices de Pékin. Selon ProSun, le groupement d'entreprises européennes qui a posé en juillet la plainte à l'origine de cette procédure, les groupes chinois « se sont vu mettre à disposition des prêts à taux bas d'un montant de 30 milliards d'euros », selon Milan Nitzschke, le président de ProSun. Si bien qu'il leur était facile d'écouler leur production à des prix inférieurs de « 60 % à 80 % » aux coûts de production. Pour enfoncer le clou, ProSun menace aussi de déposer une nouvelle plainte, cette fois pour subventions publiques cachées. « Il faut agir vite, 20 entreprises européennes ont disparu rien que depuis début 2012 », souligne Milan Nitzschke.
A Pékin, le ministère du Commerce a opté pour la retenue en appelant l'UE à résoudre les différends commerciaux par la négociation. Mais ce dossier a créé une grande émotion dans les médias locaux. L'agence officielle Xinhua a rejetté les accusations de Bruxelles, expliquant que la baisse des prix chinois résulte d'abord de celle du silicium, ainsi que des gains de productivité dans le secteur. Par ailleurs, des mesures de rétorsion sont d'ores et déjà évoquées : il est vrai que l'arme des taxes antidumping pourrait facilement se retourner contre l'Europe, car les groupes chinois du secteur sont encore largement fournis par des sociétés européennes. Xinhua croit savoir que la Chine a importé pour 1 milliard de dollars de matières premières en provenance d'Allemagne pour cette industrie.
Le dialogue plutôt qu'une enquête
Est-ce cela qui inquiète Berlin ? Angela Merkel avait fait savoir la semaine dernière qu'elle préférait que ce problème se résolve « par le dialogue » plutôt que par une enquête, procédure autrement plus agressive. Certains acteurs européens en amont et en aval de la filière solaire (les installateurs par exemple) ont eux aussi désavoué cette méthode et contesté que les fabricants de panneaux aient la légitimité pour attaquer la Chine. Regroupés au sein de l'Afase (Alliance pour une énergie solaire abordable), certains acteurs estiment que taxer les panneaux chinois ferait grimper le prix de l'électricité solaire.
« Nous devons voir s'il est de l'intérêt général de l'UE de prendre des mesures », assure un fonctionnaire européen. Selon lui, les enquêtes antidumping débouchent sur des sanctions dans 50 % à 60 % des cas.
Par Renaud Honoré et Gabriel Gresillon (À BRUXELLES et à PEKIN) - | 07/09 | 07:00
Les acteurs chinois ont acquis une position dominante sur le marché mondial
Sept des dix principaux fabricants de panneaux solaires sont issus de l'empire du Milieu. Mais les surcapacités du secteur plombent leurs comptes.
Les géants chinois du photovoltaïque sont devenus incontournables. D'après un classement établi par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), sept des dix principaux fabricants mondiaux de modules photovoltaïques sont issus de l'empire du Milieu. Leur montée en puissance au cours des dernières années a complètement déstabilisé la filière solaire allemande, poussant des acteurs comme Q-Cells ou Solon à la faillite. Pour autant, si des industriels chinois comme Yingli, Trina Solar ou Suntech ont effectué une percée exceptionnelle au niveau international, au point de représenter les deux tiers de la production mondiale, leur situation financière reste précaire. Leur cours de Bourse s'est effondré depuis les sommets de 2007, tandis que leurs comptes passaient dans le rouge. Beaucoup d'investisseurs anglo-saxons ont d'ailleurs tendance à fuir ces valeurs.
L'export, seul débouché sérieux : De fait, le secteur reste plombé par des surcapacités de production endémiques. L'an dernier, la demande mondiale de panneaux solaires s'est élevée à environ 27 gigawatts (GW), pour des capacités de production évaluées à près du double. Selon certains experts, les producteurs de panneaux et de cellules photovoltaïques ont un an de production en stock alors même que ces produits se périment assez vite. Qui plus est, l'exportation apparaît actuellement comme le seul débouché véritablement sérieux pour les acteurs chinois. Au point qu'en 2011, près de 90 % de leur production a été écoulée en Europe et aux Etats-Unis. Pour éliminer la concurrence, le ministère chinois de l'Industrie a encouragé les grands producteurs du pays à investir afin d'accroître leurs capacités de production. Malgré la crise, Trina Solar a ainsi décidé d'augmenter ses volumes de livraison de 40 % en 2012 et Yingli Solar d'au moins 49 %. Les géants chinois du secteur ont ainsi continué une guerre des prix, qui a poussé le gouvernement américain à instaurer des droits de douane allant de 31 à 250 % pour les fabricants de panneaux de l'empire du Milieu. Dans ce contexte, l'offensive de Bruxelles pourrait se révéler extrêmement dangereuse. Pékin le sait et tente d'accélérer le développement de son marché intérieur. Alors que l'objectif était jusqu'à récemment d'avoir une puissance installée de 15 gigawatts à l'horizon 2015, les autorités viennent de le porter à 21 gigawatts.
En 2011, il n'y avait que 3 gigawatts de puissance installée en Chine. Par Emmanuel Grasland | 07/09 | 07:00 | Chef du service Industrie
Dumping chinois sur le photovoltaïque: l’Europe commence enfin à réagir !
Ce jeudi, la Commission européenne a lancé une enquête antidumping contre les fabricants chinois de panneaux photovoltaïques, suite notamment à la plainte d’un groupement d’entreprises européennes du secteur. Pour Yannick Jadot, vice-président de la Commission du commerce international et membre de la Commission énergie du parlement européen, cette décision est bienvenue, après des mois où il n’a eu de cesse d’interpeller le Président de la Commission européenne, le commissaire en charge du commerce et les autorités françaises. Cette semaine encore, dans une lettre adressée aux ministres concernés, il leur a fait part de l’urgence de la situation, leur demandant de bien vouloir intervenir auprès de leurs homologues au Conseil et auprès de la Commission européenne. Ce qui a été fait avec diligence. Il réagit: « Cela fait des mois que nous alertons la Commission européenne sur la situation dramatique de l’industrie photovoltaïque face à la concurrence déloyale chinoise. Plus de six mois après l’administration américaine, la Commission ouvre enfin une enquête. Tant mieux! Je souhaite que la concertation ouverte débouche très vite sur des mesures transitoires de protection à nos frontières. Protéger l’industrie photovoltaïque et soutenir les énergies renouvelables en Europe n’est pas seulement un enjeu climatique et énergétique majeur. Se jouent ici le sort de centaines d’entreprises innovantes et de dizaines de milliers d’emplois, notre sécurité énergétique et la capacité de l’Europe à projeter son économie vers les secteurs d’avenir ». A quelques jours de la conférence environnementale et alors que l’Union européenne et la France veulent enfin se doter d’une politique industrielle, il est urgent de redonner au secteur des énergies renouvelables français un cadre stable qui lui permette de nouveau d’investir et d’embaucher dans les prochains mois les dizaines de milliers d’emplois sacrifiés par le gouvernement Fillon.
A LIRE EGALEMENT :
Visite de M. Joaquín Almunia en Chine
M. Joaquín Almunia, membre de la Commission chargé des affaires économiques et monétaires, se rendra en Chine du 17 au 19 septembre 2007. Il rencontrera des représentants à haut niveau du gouvernement chinois pour discuter de politiques bilatérales et internationales dans les domaines économique, budgétaire et monétaire, dans la perspective d’approfondir le dialogue et les relations économiques entre l’Union européenne et la Chine.
NDLR : Très vraisemblablement, il sera question de cette enquête de l’UE.
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